Et si un château perché dans les Alpes françaises avait nourri l’imaginaire du plus grand conteur du XXe siècle ? Et si l’un des lieux les plus enchanteurs de Haute-Savoie avait discrètement glissé son profil dans l’univers des princesses endormies, des dragons et des légendes ?
Il existe un château, surplombant un lac couleur émeraude, qui semble avoir été dessiné à la plume d’un rêveur. À la croisée des influences médiévales et des fantaisies romantiques du XIXe siècle, il défie le temps avec ses tours effilées, ses façades blondes et sa vue imprenable sur les montagnes. C’est ici, selon une rumeur persistante, que Walt Disney aurait puisé l’inspiration du célèbre château de la Belle au bois dormant.
Un monument sculpté par les siècles
L’histoire de cette forteresse alpine commence il y a plus de mille ans. D’abord simple poste en bois destiné à surveiller les vallées, elle devient au XIIIe siècle un véritable château féodal. Les époques s’y sont succédé, chacune laissant une empreinte visible : donjon austère, salons Renaissance, bibliothèque néogothique, galeries à colombages… Le XIXe siècle marque un tournant : sous l’influence du courant romantique et de son propriétaire visionnaire, les tours se font plus élancées, les jardins plus dessinés, les détails plus décoratifs. Le château devient un décor vivant.
Une silhouette familière pour les amateurs de contes
Ce qui frappe en approchant, c’est cette ressemblance troublante avec les décors des films de Disney. Les toitures pointues, la position dominante sur un promontoire boisé, la symétrie des tourelles : tout semble crier « conte de fées ». Alors, Walt Disney est-il réellement venu en Haute-Savoie dans les années 1930, comme certains l’affirment ? A-t-il visité ces lieux et griffonné quelques croquis qui inspireront plus tard les studios californiens ? Nul ne peut le certifier, mais le doute persiste… et c’est précisément ce mystère qui ajoute à la magie des lieux.
Une visite hors du temps
L’été venu, ce château pas comme les autres ouvre ses portes. Ce n’est pas un musée figé, mais une demeure animée, encore habitée par la même famille depuis 23 générations. On y découvre plus de 100 pièces, une chapelle du XIe siècle, une salle d’armes, et une immense bibliothèque aux boiseries sculptées. Parfois, des comédiens en costume d’époque apparaissent dans un couloir, vous saluent, et disparaissent dans un escalier dérobé. À cet instant, on ne sait plus très bien si l’on visite un château ou si l’on est entré dans une histoire.
Le château de Menthon-Saint-Bernard
C’est donc le château de Menthon-Saint-Bernard, en Haute-Savoie, qui alimente cette rumeur féérique. Perché au-dessus du lac d’Annecy, il incarne le mariage parfait entre héritage architectural, mythe populaire et authenticité vivante. Que l’on croie ou non à l’anecdote disneyienne, une chose est sûre : l’enchantement opère.
Je me souviens encore de ma première visite, un matin d’été légèrement brumeux. Alors que je gravissais les derniers mètres du chemin menant à l’entrée, j’ai levé les yeux vers les tours qui perçaient la brume — et j’ai compris ce que « magique » voulait vraiment dire. À l’intérieur, les boiseries anciennes, l’odeur des livres centenaires et les couloirs ombragés m’ont transporté bien au-delà des Alpes. C’était comme traverser une passerelle entre le réel et l’imaginaire.
En ressortant, j’ai croisé un enfant, déguisé en prince, tirant sa mère par la main pour retourner voir « la tour où dort la princesse ». J’ai souri. Ce lieu a quelque chose d’universel : il réveille les contes qu’on croyait oubliés, et fait vibrer une part d’enfance que l’on pensait perdue. Le château de Menthon-Saint-Bernard n’est pas qu’un site historique. C’est une émotion, gravée dans la pierre.