Le Mole

Ce sommet seulement connu des locaux offre un des plus beaux panorama de France

Vous vous enfoncez dans les sous-bois frais d’un massif alpin méconnu, sans soupçonner la récompense qui vous attend plus haut. Dès la sortie du parking (départ habituel vers Bovère, Taninges), le sentier s’élève doucement sous les conifères centenaires. L’air est chargé de la senteur de résine et de terre humide.

Au fur et à mesure de la montée, vous traversez d’abord une forêt dense où le chant du pinson se mêle au bruissement du vent dans les aiguilles. Puis, la végétation s’éclaircit : d’abord quelques buissons fleuris, puis des pelouses alpines suspendues, enfin un paysage minéral sculpté par l’érosion millénaire. Par endroits, l’itinéraire s’ouvre sur des belvédères immergés dans un océan de sapins. Les bruits de la vallée s’estompent peu à peu, remplacés par un silence fait de vent léger et d’échos lointains d’oiseaux de proie. Ce contraste saisissant, l’ombre fraîche de la forêt puis la luminosité étincelante des hauteurs, vous cueille à chaque pas.

L’itinéraire peut se décomposer en étapes faciles à suivre :

  • Du parking au collet boisé. Départ sur une piste carrossable puis sentier balisé (flèches jaunes) vers le nord. Vous traversez un ruisseau, franchissez quelques lacets en sous-bois, puis atteignez un premier collet où la forêt s’éclaircit.
  • Des sous-bois aux prairies alpines. Une légère descente puis une nouvelle montée vous mènent sur un plateau d’altitude clairsemé. Ici, au printemps, narcisses et gentianes tachettent les prairies. En mai, des jonquilles sauvages en abondance bordent le sentier. Avec un peu de chance on apercevra une marmotte sifflant à distance, ou un chevreuil furtif.
  • Les derniers lacets rocheux. Au-delà de 1 500 m, la végétation devient rare. Le chemin s’élève en crête dans des pentes herbeuses raides, parfois érodées. À la hauteur du col du Rionffer (≈1587 m), on aperçoit déjà sur la droite une croix de fer qui marque le sommet. Comptez environ 700 m de dénivelé depuis Bovère et près de 4 heures pour l’aller-retour. L’ascension reste accessible en bonne forme physique toute l’année (à pied ou en ski de randonnée), mais elle peut être boueuse au printemps et froide en hiver. Les balises jaunes jalonnent l’itinéraire estival ; en hiver, soyez vigilant aux corniches et prévoyez équipement neige.

Ambiance et nature alpine

Les ambiances varient au fil de l’effort et des saisons. Au petit matin ou en soirée, les versants plantés de rhododendrons sont baignés d’une lumière dorée. Le début de randonnée dans la forêt est frais et brumeux certains jours, tandis qu’en été la chaleur des rayons de soleil filtre à travers les branches. Sur la crête, un vent du nord fraîchit l’air, et on entend le vol distant d’un rapace.

Chaque saison offre son spectacle :

  • au printemps, les prairies fleurissent (gentianes, anémones, primevères, jonquilles, crocus) et la faune est très active (marmottes, papillons et cerfs bramant au loin) ;
  • en été, les coeurs de rhododendrons explosent de couleurs et la vue est limpide sous un ciel azur ;
  • en automne, les sous-bois prennent des teintes brûlantes d’or et de rouge, créant un contraste saisissant avec les crêtes encore vertes ;
  • en hiver, le sommet se couvre de neige et le silence est impressionnant, seulement troublé par le clapotis d’un ruisseau parfois gelé.
Photo : Jonquilles au Mole par Dany Hèm

N’oubliez pas de vous munir de bonnes chaussures de montagne, d’eau et de vêtements chauds et imperméables – la météo en altitude change vite. Une carte IGN (top 25 3429ET) et un GPS peuvent être précieux sur certains passages mal signalisés. En bref : partez léger et bien préparé, pour profiter pleinement de la nature intacte.

Un panorama à couper le souffle

Une fois arrivé près de la croix sommitale, la récompense est totale. Le panorama s’ouvre sur 360°, embrassant tant de reliefs qu’il est impossible de tout citer. D’ici, le plus célèbre est bien sûr le Mont Blanc (4 809 m) qui écrase l’horizon de sa masse immaculée. En face, les Aiguilles de Chamonix et la silhouette acérée de la Dent du Géant dominent les glaciers environnants.

De chaque côté, les sommets suisses se dévoilent clairement : on reconnaît la chaîne des Dents du Midi et celle de l’Aiguille Verte surplombant le Valais. Au-dessous s’étire l’éclat azuré du Lac Léman entouré de vignobles, et, par beau temps, la chaîne du Jura se devine à l’arrière-plan, bleutée au loin. Même le Salève (près de Genève) se profile à l’horizon.

Ce vaste panorama englobe littéralement « Jura, Léman, massif du Mont-Blanc, chaîne du Bargy et Salève ». On a le sentiment d’être sur un balcon naturel au centre de l’Europe alpine. Les sommets semblent portés à portée de main : c’est comme toucher du doigt le ciel des Alpes.

Chaque regard balaie un tableau différent : vers l’ouest, la vallée de l’Arve serpente entre les villages (Marignier, Bonneville, Cluses) tandis que le Bargy et les Aravis dessinent des crêtes dentelées. Vers le nord, la vallée du Giffre et ses forêts profondes s’étendent jusqu’aux villages de Saint-Jeoire et Viuz-en-Sallaz. En tournant les yeux autour du rocher, on peut presque embrasser toutes les communes alentours (Ayse, La Tour, Saint-Jean-de-Tholome…) qui sont dominées par cette montagne. Ce panorama grandiose justifie pleinement l’ascension : chaque sommet aperçut, chaque lac aperçu, raconte l’histoire de ces paysages de Haute-Savoie.

Un sommet connu des seuls locaux

Après cette promenade inoubliable, le nom de ce promontoire d’exception, connu seulement des locaux, peut enfin être dévoilé. Il s’agit du Môle, silhouette pyramidale culminant à 1 863 m. Petite montagne du Chablais, le Môle se dresse tel une sentinelle à la croisée des vallées de l’Arve et du Giffre, dominant Bonneville et les villages alentours. Sa modeste altitude cachait bien son panorama grandiose : vraiment, peu de sommets offrent un tel spectacle « Jura, Léman, massif du Mont-Blanc… ».

Cette élévation méconnue, loin des foules des grands massifs, reste un joyau secret des Alpes françaises. Au retour, vous repartirez la tête pleine d’images blanches et bleues, les cuisses endolories, et l’envie chevillée au cœur de revenir grimper ce belvédère unique.

Conseils pratiques et informations utiles

  • Accès : Le parking principal est au terminus de la route de Bovère (au hameau de Bovère, Commune de Saint-Jean-de-Tholome). L’itinéraire est également accessible depuis le village de Mieussy ou Marignier, mais ces chemins sont bien plus longs et escarpés. Par exemple, la boucle depuis Marignier fait ~13 km et 1 500 m de dénivelé (environ 8 h de marche, très difficile).
  • Balisage et sentiers : Le sentier principal (triangles jaunes) est tracé et fréquenté. Il traverse d’abord des pâturages, puis emprunte un vieux chemin muletier et une crête herbeuse bien visible. Près du sommet, une croix de métal et un cairn marquent le point culminant. Le retour s’effectue par le même itinéraire (boucle possible en rejoignant le sentier des Granges). On conseille la carte IGN 3429ET (Bonneville – Cluses – Faucigny) et un GPS pour ceux qui ne connaissent pas le secteur.
  • Durée et dénivelé : Comptez environ 4 h pour la montée et redescente dans les conditions normales (720 m de dénivelé depuis Bovère). Certaines sources indiquent 4–5 h en été. Le portage d’eau et de casse-croûte est indispensable, d’autant qu’il n’y a pas de point d’eau après le parking.
  • Équipement recommandé : bonnes chaussures de randonnée montantes, vêtements chauds et de pluie, casquette/lunettes de soleil, vivres et eau (au moins 1 L). En hiver : crampons et cordelette car l’arête finale peut être glissante. Trousse de secours et téléphone portable chargés sont conseillés.
  • Meilleure période : L’ascension se fait idéalement de mai à octobre. En mai–juin les alpages fleurissent (les nombreuses jonquilles et crocus tapissent souvent les abords du chemin et les pentes sommitales du Mole) et les marmottes sortent de terre. L’été offre une visibilité maximale sur les glaciers. L’automne (septembre) est réputé pour ses couleurs flamboyantes et le climat stable. L’hiver, il est possible de faire cette sortie en raquettes ou skis de rando (à éviter par grand vent ou risque d’avalanche).

Le mot de la fin

La région comporte par ailleurs des curiosités alentour : le paisible Lac du Môle (petit lac de plaine à la Tour qui abrite une riche faune sauvage), les hameaux traditionnels comme Ossat ou Tréchauffé (portraits des vieilles granges), et le célèbre Cirque du Fer à Cheval au fond de la vallée du Giffre. Entre deux étapes, n’hésitez pas à déguster une tomme ou un reblochon fermier local, réconfort bienvenu en altitude.

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